Le cancer du pancréas
Les traitements
La chirurgie est le seul traitement curatif du cancer du pancréas mais elle n’est envisageable que dans les stades précoces de la maladie.
En pratique, seul 10 à 20 % des malades sont opérables. Dans la majorité des cas les patients ont une maladie déjà localement avancée ou métastatique et donc non opérable au moment du diagnostique. D’autre part, l’état général du patient est également pris en compte par l’équipe médicale pour déterminer si la chirurgie est possible (âge, état de santé…). La procédure chirurgicale pour réséquer la tumeur est adaptée suivant la zone du pancréas atteinte (corps, tête ou queue du pancréas), et des vaisseaux ou certains organes en contact avec la tumeur peuvent être enlevés pour éviter toute dissémination de cellules cancéreuses. Pour éviter les rechutes, des traitements adjuvants (chimiothérapie et/ou radiothérapie) seront prescrits au patient opéré. Ces traitements peuvent également être donnés en première ligne si la tumeur n’est pas résécable dans l’espoir de réduire sa taille et de rendre la chirurgie possible.
La chirurgie
Traitements des cancers avancés
La Gemcitabine, synthétisée au début des années 80 est un analogue de la deoxycytidine. Elle est transportée sous la forme de pro-drogue jusque dans les cellules où elle est ensuite phosphorylée par des deoxycytidine kinases sous forme de gemcitabine di- ou tri-phosphate. Elle est capable de se substituer à son analogue lors de la réplication de l’ADN. Cette base défectueuse ne permet la fixation que d’une base azotée supplémentaire, bloquant par conséquent, la prolifération en phase S du cycle cellulaire. Son utilisation a été approuvée par la FDA en 1996 pour une utilisation en première ligne de traitement chez des patients atteints de cancer du pancréas localement avancés (inopérables de stade II ou III) ou métastatiques (stade IV). La gemcitabine, est le traitement de référence depuis qu’un essai clinique de phase III a montré en 1997 une efficacité meilleure, quoique modeste, comparée au 5-fluorouracil (5-FU) (médiane de survie de 5,65 mois avec la gemcitabine versus 4,41 pour le 5-FU) (Burris et al., 1997). De nombreuses molécules telles que les 5-FU, sels de platine, capecitabine, erlotinib, bevacizumab ou cetuximab, pour n’en citer que certaines, ont été testées en combinaison avec la gemcitabine mais aucun effet bénéfique réel n’a été obtenu. Seule l’étude récente de Von Hoff démontre un résultat encourageant avec l’association gemcitabine-Nab-paclitaxel en première ligne . Dans la formulation, le paclitaxel (inhibiteur de la mitose) est couplé à l’albumine permettant une meilleure absorption de la drogue. En effet, l’albumine va se fixer à des protéines dont SPARC ( Secreted protein acid and rich in cystein) fortement exprimée au niveau tumoral et au niveau des fibroblastes du stroma. L’étude de Von Hoff a été confirmée par une étude de phase III (MPACT) où l’association est supérieure en termes de médiane de survie globale (8,5 mois Gem+Nab-paclitaxel versus 6,7 mois Gem), de survie sans progression (5,5 versus 3,7 mois) et de taux de réponse tumorale (23% versus 7%) par rapport à la gemcitabine seule. Le pourcentage de survie à 1, 2 et 3 ans est meilleur dans le groupe de patients traités avec l’association. Certaines toxicités, comme la neutropénie, lymphopénie, neuropathie périphérique, diarrhée ou la fatigue, sont cependant légèrement supérieures dans le bras association que dans le bras contrôle. Suite à ces résultats, la FDA et l’EMA ont approuvé l’association Gemcitabine+Nab-paclitaxel dans le traitement du cancer du pancréas métastatique.
Les axes de recherches
Ciblage des cellules cancéreuses pancréatiques
La tumeur du pancréas résulte d’une accumulation successive de mutations génétiques provoquant la tumorigénèse ou de mutations somatiques établies qui vont affecter des voies de signalisations et des protéines dont certaines ont été définies comme des cibles thérapeutiques potentielles.
La mutation de l’oncogène KRas étant très fréquente dans les cancers du pancréas, cette voie constitue donc une cible de choix dans cette tumeur. Différentes stratégies ont été envisagées comme l’inhibition de l’enzyme farnesyltransferase qui agit au niveau des modifications post-translationnelles de Ras (Tipifarnib), des inhibiteurs allostériques des isoformes de Ras ou le blocage du transport de la protéine Ras à la membrane (deltarasin). L’inhibition des protéines impliquées dans les voies en aval, telles que les protéines MEK1/2, a donné des résultats décevants en clinique. De même, l’utilisation d’inhibiteurs de la voie PI3K-mTOR n’a pas été concluante. Cette voie de signalisation est activée dans 59% des cancers du pancréas et joue un rôle fondamental sur la survie et le développement des cellules cancéreuses, via mTOR et NFκB. Elle jouerait également un rôle dans la résistance des cellules à la gemcitabine. Les inhibiteurs de mTOR tels que le temsirolimus, l’everolimus ou le sirolimus n’ont à ce jour pas montré d’efficacité clinique sur des patients atteints de cancer du pancréas avancé. Seule la curcumine, un produit naturel, extrait de la plante curcuma longa, capable d’inhiber NFκB a montré un effet encourageant dans deux essais cliniques de phase II seule ou en combinaison avec la gemcitabine (Wong et al, 2009).
L’inhibition des voies de signalisation JAK-STAT et Notch a également été beaucoup étudiée et semble une approche prometteuse pour le traitement du cancer du pancréas. Des résultats intéressants ont été obtenus dans une phase II associant la capecitabine au ruxolinib (inhibiteur de JAK1-JAK2) chez des patients progressant sous gemcitabine. Actuellement, deux phases III sont en cours évaluant la capecitabine plus ou moins le ruxolinib en seconde ligne de traitement (JANUS1 et JANUS2). Des études plus précoces évaluent actuellement l’association de cet inhibiteur ou d’un inhibiteur de JAK1 avec le Nab-paclitaxel plus la gemcitanine (NCT01822756, NCT 01858883).
La voie Notch a également été ciblée par un anticorps spécifique d’un ligand de Notch DDL4 montrant une activité anti-tumorale en association avec la gemcitabine dans des modèles murins. Ces résultats ont été renforcés par une étude de phase Ib montrant une stabilité de la maladie chez les patients traités avec l’anticorps associé à la gemcitabine ou à la gemcitabine plus nab-paclitaxel (Hidalgo M et al., 2014). Des études pré-cliniques montrent une activité anti-tumorale de l’association d’inhibiteurs des voies JAK et Notch mais restent à être confirmé en clinique (Palagani V et al., 2014).
La modification du métabolisme cellulaire est une stratégie envisagée en utilisant des modulateurs de l’autophagie (type de mort cellulaire) comme l’hydroxychloroquine combiné à la gemcitabine ou au nab-paclitaxel en situation neo adjuvante ou à des stades avancées de la maladie (NCT 015006973 ; Chini C t al, Clin cancer res 2014).
De nombreux travaux rapportent l’implication de certains récepteurs à tyrosine kinase (tels que l’EGFR, VEGFR, IGFR, cMET) dans la progression de nombreux cancers dont le cancer du pancréas. Ces récepteurs sont surexprimés au niveau tumoral mais également au niveau du stroma. Le ciblage des récepteurs de la famille EGFR par des anticorps (cetuximab pour l’EGFR ou trastuzumab pour HER2) ou des petites molécules chimiques (erlotinib ou lapatinib) n’a pas donné de réponses anti-tumorales significatives en clinique dans le traitement du cancer du pancréas, malgré quelques réponses positives notamment avec l’erlotinib. Mais le rapport bénéfice-coût reste très limité et la sélection des patients susceptibles de répondre est inexistante, ce qui explique pourquoi ce traitement n’est pas recommandé (Zagouri et al., 2013). Actuellement des phases cliniques précoces sont en cours étudiant l’effet thérapeutique d’anticorps ciblant un autre membre de la famille EGFR, HER3, également fortement impliqué dans la croissance tumorale (NCT01447225).
Les agents anti-angiogéniques, tel que le bevacizumab ou le sorafenib, n’ont pas donné de résultats prometteurs en association avec la gemcitabine (Kindler HL et al., 2011) dans le traitement de cette pathologie.
Les caractéristiques physiques et notamment la présence d’un stroma desmoplastique dense et un environnement hypoxique peuvent expliquer l’agressivité et la résistance aux thérapies de cette tumeur. Pour palier ces difficultés de délivrance des drogues avec de nouvelles formulations des chimiothérapies classiques ont été développés comme le MM-398, un nanoliposome d’irinotecan qui augmente la demi-vie de la drogue et sa concentration tumorale. Des résultats encourageants ont été obtenus en phase III (NAPOLI-1) chez des patients résistants à la gemcitabine (Von Hoff D et al, 2014) en association avec le 5-FU et l’acide Folinique. Une pro-drogue active uniquement dans des conditions hypoxiques, l’evofosfamide (TH-302), un dérivé de chloréthazine, a donné des résultats positifs en association avec la gemcitabine dans une phase randomisée chez des patients atteints d’un cancer du pancréas avancé (Ryan D et al., 2013).
Ciblage du micro-environnement tumoral
Le stroma représente 80 à 90% de la tumeur pancréatique et joue un rôle fondamental dans les interactions avec les cellules épithéliales malignes induisant la survie et la résistance thérapeutique. La composition du micro-environnement est dense et rend difficile la pénétration des drogues. La désorganisation de ces tissus denses desmoplastiques ou l’inhibition des voies de signalisation permettant les interactions entre cellules tumorales et stromales pourraient induire un effet anti-tumoral plus important que les drogues cytotoxiques classiques.
La voie de signalisation Hedgehog est fortement impliquée dans la progression des tumeurs du pancréas. C’est un médiateur du dialogue entre les cellules tumorales et stromales. En pré-clinique chez des souris génétiquement modifiées, l’association de la gemcitabine à l’inhibiteur de Hedgehog Saridegib (PI-926), augmente la concentration de la drogue au niveau de la tumeur et induit une augmentation de la survie des souris. Cependant, les études de phase I et II n’ont pas confirmé ces effets encourageants. Les raisons de cette discordance ne sont pas claires et pourraient venir des modèles pré-cliniques utilisés et de la complexité du compartiment stromal.
Comme mentionné ci-dessus, différents récepteurs à tyrosine kinase sont exprimés au niveau tumoral et stromal et sont impliqués dans la prolifération, la migration, l’angiogénèse ou la pression des fluides interstitiels. Parmi eux, le VEGFR (vascular-derived growth factor receptor), PDGFR (platelet-derived growth factor) et le FGFR (fibroblast growth factor receptor) ont été proposés comme cibles intéressantes dans le cancer du pancréas. En pré-clinique, des résultats in vitro et in vivo encourageants ont été obtenus avec un inhibiteur multi-tyrosine kinase (dovitinib, TKI-258). Les études cliniques sont en cours.
La perturbation de la matrice extracellulaire composant le stroma a été envisagée comme cible en utilisant des hyaluronidases. L’hypothèse repose sur la dégradation de l’acide hyaluronique, composant de cette matrice, par des enzymes pour ainsi perturber la barrière physique du stroma et augmenter la pénétration des drogues . Chez la souris, l’injection de PEGPH20 (une version recombinante de hyaluronidase conjuguée au polyéthylène glycol) a montré une normalisation des micro vaisseaux, une augmentation de la pénétration des drogues et un effet anti-tumoral. Des études cliniques en association avec la gemcitabine, le nab-paclitaxel ou le FOLFIRINOX sont en cours pour déterminer la tolérance et l’activité (NCT01959139).Écrivez votre texte ici ...
Immunothérapies
Le cancer du pancréas est constitué d’un micro-environnement immunosuppreseur. Cette caractéristique est dû au composant du stroma comme les fibroblastes (CAF), les MDSCs (Myeloid derived suppressor cells), les TAMs (tumor associated macrophages), les cellules dendritiques ou les TILs (tumor-infiltrating lymphocytes). Contrairement à certaines localisations comme le mélanome, les résultats d’études cliniques précoces menées dans le cancer du pancréas utilisant des anticorps anti-« point de contrôle » immunitaires sont controversés. C’est le cas pour l’anticorps anti-PDL1 où aucune réponse positive n’a été observée malgré une corrélation entre l’expression de PDL-1 et un mauvais pronostic de la maladie. La liaison du ligand PDL1 à son récepteur PD-1 induit une inhibition de la réponse des lymphocytes T à la cellule sécrétrice du ligand PDL-1. Cependant, des résultats sont attendus avec la combinaison anti-PDL1 et inhibiteur de CXCR4. En effet il a été montré que les CAF sécrétaient un ligand de CXCR4 induisant une réponse immunosuppressive. L’élimination des CAF via l’utilisation d’inhibiteur de CXCR4 associé à un anti-PDL-1 a montré des effets encourageant sur la régression tumorale chez la souris. D’autre part, des résultats négatifs ont été obtenus avec l’Ipilimumab, un anticorps anti-CTLA4 chez des patients atteints d’un cancer du pancréas avancé (phase II). Par contre, l’activation d’une réponse immune anti-tumorale via un agoniste du CD40 (un membre de la famille des récepteurs au TNFa présent sur les macrophages associés au tumeur), permettant l’accumulation de macrophages au niveau de la tumeur, semble une alternative intéressante montrant une activité en association avec la gemcitabine en première ligne de traitement chez des patients atteints d’un cancer du pancréas avancé.
Des résultats intéressants ont été obtenus avec des vaccins comme le GVAX qui est composé de cellules cancéreuses modifiées pour exprimer le facteur de croissance GM-CSF. Ce facteur permet d’attirer les cellules dendritiques et d’activer les lymphocytes T. Associé au CRS-207 (bactéries Listeria monocytogenes atténuées qui stimulent une réponse immunitaire innée ou adaptative par l’expression de la mesothéline), des résultats bénéfiques sur la survie des patients ont été obtenus dans une phase II mais nécessitant une sélection stricte des patients. Des combinaisons avec les anticorps anti-CTLA4 ou anti-PDL-1 semblent également prometteuses.Écrivez votre texte ici ...